Héritage colonial et indépendances
« Gouverner, c’est choisir », lance le député Pierre Mendès France devant la Chambre en 1953. Mais, dans une IVe République décidément tourmentée, les responsables politiques jouent leur survie entre bravades et immobilisme. La France s’enlise peu à peu dans le guêpier indochinois. Les protectorats du Maroc et de Tunisie basculent dans la violence. L’Algérie attend son heure. Un an plus tard, le 17 juin 1954, le drame de Diên Biên Phù propulse celui que Le Monde a surnommé « le Cassandre de la République » à la tête du gouvernement. Mendès France, qui place alors le redressement économique et financier de la France comme première priorité, découvre un préalable épineux : de lourds contentieux coloniaux à régler. Puisqu’il lui est donné de gouverner, il lui faut maintenant choisir. Ainsi, malgré lui, le sort de son gouvernement-éclair (sept mois et dix-sept jours) reste lié à celui des dossiers coloniaux qu’il affronte : guerre d’Indochine, autonomie de la Tunisie, cession des Comptoirs de l’Inde, désengagement de Libye, terrorisme au Maroc, enfin attentats en Algérie. Pendant et après son gouvernement, la guerre d’Algérie révèle son embarras à concilier une défense radicale de sa chère République et de son héritage colonial avec ses convictions libérales tout aussi ancrées dans sa culture politique. Du rétablissement de l’ordre au vote de l’état d’urgence, de la dénonciation des abus militaires au rêve d’une communauté franco-algérienne, alors que le conflit s’intensifie, il recherche les voies pacifiques d’une transition coloniale. Désormais, pour les uns il devient le « bradeur de l’Empire », longtemps poursuivi par une haine disproportionnée, tandis que pour les autres il prend figure de « décolonisateur », avec une certaine exagération peut-être.